A propos de Stella
Stella a l’étoffe d’un mélodrame.
Bien sûr, la construction n’y est pas ciselée
comme dans un film de Chaplin, mais le fond est le même.
Stella mendie tous les jours à la station de métro
Oberkampf, mais personne ne la voit exactement, comme personne
ne voit la fleuriste aveugle des Lumières de la ville.
Elle a tout quitté et choisi de vivre illégalement
en France par amour, pour sauver son mari Marcel, atteint d’une
grave maladie, convaincue qu’elle trouverait là un
médecin qui saurait le soigner. Elle sauve son mari, mais
le contrecoup est trop fort et, à son tour, elle tombe
malade. Sans travail, sans papiers, sans argent, il lui faut attendre
la fin des soins avant de repartir en Roumanie.
Commence alors une attente interminable où elle doit apprendre
à vivre contre ses principes, et dans la peur permanente
d’un contrôle d’identité. Si le film
rend palpables cette angoisse et cette souffrance, il montre aussi
une femme qui ne baisse jamais les bras et qui s’attache
à régler les problèmes les uns après
les autres avec les moyens dont elle dispose. Sous ce corps fatigué
se cache un moral d’acier.
Le film s’attarde longuement avec Stella dans son logis,
une baraque dans un bidonville à Saint Denis, entre l’autoroute
et le RER. Il dévoile son quotidien, et il montre plus
: ce que nous voyons comme un état et comme une déchéance,
Stella le voit comme une transition, une étape, un temps
mort entre son passé d’ouvrière en Roumanie,
ruinée par la chute de Ceaucescu et le passage à
une économie libérale, et son avenir de retraitée
à Bucarest. Cette femme a toujours eu foi en son étoile
et cette étoile est son amour.
Le premier plan montre Stella sous la pluie, attendant, inquiète,
Marcel. L’une des dernières séquences nous
montre Marcel et Stella assis sur un banc, dans la cour de la
Salpêtrière, peu de temps avant l’opération
de Stella. Leur amour est plus fort que toutes les épreuves
que le destin, l’Histoire ou la loi leur font subir.
Yann Lardeau, pour le Cinéma
du réel 2007, festival International de films documentaires
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